Seuls en exil : Interview
Seuls en exil, c’est un livre militant, à travers lequel nous cherchons à faire changer le regard des jeunes générations. C’est un livre qui raconte l’histoire d’enfants, avant d’être des migrants. À travers leur travail, nos trois illustrateurs : Yrgane Ramon, Fabian Menor et JP Kalonji, ont tenté de faire bouger le curseur de la compréhension et surtout de montrer que la peur n’a pas sa place de notre côté de la frontière.
Chacun avec leur style particulier, ils ont retranscrits les histoires de ces trois jeunes, qu’ils ont rencontrés.
Et vous ? Qu’auriez-vous fait à leur place ?
1. Qu’est-ce qui vous a poussé à accepter/participer à ce projet ?
FABIAN : L'idée était avant tout celle de la collaboration avec Kalonij et Yrgane, deux personnes que j'apprécie autant pour leur personne que leur travail. Rapidement le sujet m'a touché et inspiré.
YRGANE : Je souhaitais réaliser un projet en collaboration avec JP Kalonji depuis longtemps. J'étais donc ravie d'accepter sa proposition et très contente de savoir Fabian également sur ce projet. L'occasion pour moi de sortir de ma zone de confort, d'un point de vu aussi bien graphique que narratif.
2. Comment se sont passées les rencontres avec les jeunes dont vous racontez les histoires ?
FABIAN : C'était intense. Ces trois jeunes nous ont délivrés leur témoignage avec beaucoup de transparence le tout mélangés d'émotions encore vives.
Par la suite, lorsque j'ai travaillé le témoigne de Kazim (Kocholo) une entente est vite née et il était important pour moi que toutes les étapes du scénario soient validées par lui.
YRGANE : Etant très prise par mon travail en studio d'animation, je n'ai malheureusement pas pu rencontrer le jeune dont j'ai raconté l'histoire. Mais à l'air d'internet, nous avons pu échanger par visio, vocaux et messages. JP Kalonji a pu faire sa rencontre, écouter et prendre note de tout son périple entre l’Érythrée et Genève. Par la suite, je me suis appropriée toutes ces ressources pour réaliser ces pages.
« Quand j’ai vu l’émotion dans les yeux du jeune dont je raconte l'histoire lorsqu’il a découvert les premières ébauches du livre, je me suis dit que c’était déjà une réussite. » Fabian Menor |
3. Qu’est-ce qui vous a le plus touché dans leur parcours ?
FABIAN : La perte des proches. La résilience. Le courage. Ces trois moments/étapes sont majoritairement vécues par les personnes migrantes et ça remue nos émotions quand on l'entend de vive voix.
YRGANE : Je suis personnellement très touchée par la détermination et la force de ces jeunes. Je n'aurai pas pu endurer 1/10eme de leurs pérégrinations. Via leurs histoires, on réalise aisément l'ampleur du fossé qui sépare nos vies confortablement capricieuses face à cette réalité violente et amère.
« En fait, je ne sais pas trop ce qui est le pire… Devoir tout quitter pour fuir un pays hostile dans des conditions insoutenables… Ou bien vivre ici avec une aide très relative. Une situation enlisée, sans avenir. L’impuissance ordinaire. » |
4. Y a-t-il quelque chose qui a été difficile à dessiner, et si oui, pourquoi ?
FABIAN : Personnellement, à dessiner, ce qui est délicat, surtout en si peu de pages, ce sont les moments d'interactions où la gestuelle permet de mettre en avant des émotions ou des liens.
Un sujet si terrible doit être composé de plusieurs éléments pour ne pas tomber dans la facilité du mélodrame.
YRGANE : Evoquer la violence, la mort et la peur, sans montrer d'images crues, n'est pas un exercice facile. Il faut suggérer, jouer de métaphores, et peser ces mots. Un vrai challenge pour des récits comme ceux-ci.
5. À l’inverse, est-ce que certaines choses ont été évidentes dès le début ?
FABIAN : Pas vraiment, les évidences se créent en fonction de nos ressources graphiques-narratives personnelles.
YRGANE : Le traitement graphique, crayonné et sombre, me semblait une évidence pour cette histoire. Je souhaitais une image un peu brute.
6. Le livre est paru le semestre passé, nous sommes début 2023, que retirez-vous de cette expérience ? Que vous a-t-elle apporté ?
FABIAN : Ce qui est beau et terrible, c'est qu'elle a permis de mettre en lumière une réalité genevoise qui s'est récemment répétée, et quand on connaît le sujet cela me touche d'autant plus. Cette BD est à la fois un outil de combat dans ce monde et une manière d'offrir une lumière, une certaine dignité à ces 3 jeunes.
YRGANE : Faire tomber les préjugés, revoir sa copie sur nos conceptions du monde et nos systèmes de valeurs, ne concerne pas seulement les débats les plus médiatisés comme le féminisme ou le racisme. Toutes ces pistes de réflexion sont nécessaires. Je suis contente d'avoir ajouté une toute petite pierre à cet édifice sociétal.
« Ce projet invite à se mettre à la place de l’autre et à dépasser les a priori qui créent la peur. » Yrgane Ramon |
7. Un dernier mot ?
FABIAN : Ce livre m'a montré, que dessiner dans son coin peut offrir beaucoup à notre société. Notre crayon peut avoir un impact, qu'il soit petit ou grand, il résonnera d'une certaine manière dans notre monde.
Bonne route à ces trois jeunes et à tous les autres !
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